"Pourquoi devenir un OBNL? Les activités d'intervention de MAÏKANA vont bien, non?"
Oui. Tout à fait!
"T'as pas peur de faire mettre en dehors de ton propre organisme par les membres de ton CA?"
Oui. C'est un risque que je prends et j'ai tout de même confiance.
"Pourquoi pas INC. à la place? Tu ferais ben ben plus d'argent!"
Oui.
Ce n'est pas un de mes objectifs dans ma vie de faire plus d'argent.
[...]
Ma réflexion sur le statut juridique de MAÏKANA-Intervention par l'aventure a débuté dès sa fondation en 2019.
Pour faire une longue histoire courte, en 2019, j'avais encore un poste de travailleuse sociale et de directrice clinique dans un centre de pédiatrie sociale.
À cette époque, MAÏKANA n'était seulement qu'un projet pilote parmi bien des projets que je menais de front.
Je dis souvent à la blague: "Ce n'est pas moi qui a choisi l'entrepreneuriat. C'est plutôt l'entrepreneuriat qui m'a choisi!"
Au début du projet, j'étais loin de me douter que MAÏKANA deviendrait éventuellement le centre de ma vie (voir l'article sur Pastel Fluo pour la petite histoire derrière MAÏKANA).
En développant mon plan d'affaire pour MAÏKANA, j'ai eu l'opportunité de rencontrer des gens extraordinaires et bienveillants issus de l'entrepreneuriat, qui m'ont guidés tout au long de ce processus.
J'ai aussi malheureusement (ou heureusement) rencontrer des gens qui ne m'ont pas toujours bien conseillés.
"Pas sûr que tu feras une bonne DG... t'as clairement pas ce qu'il faut... t'es ben mieux de t'en tenir au travail social! Tsé, t'es excellente la-dedans!"
Ce genre de commentaire (ou "complimarde"), je l'ai malheureusement entendu à quelques reprises.
Avec le temps, j'ai appris à mieux choisir les gens qui m'entourent pour me constituer un "p'tit village bienveillant et inspirant".
D'ailleurs, j'ai récemment entendu dans un podcast ceci:
"Les gens critiquent pour exister [...] Ils tentent de briller dans votre lumière."
Dans ce même podcast, la personne expliquait qu'il y a 3 composantes à considérer lorsque nous recevons une critique:
Quelles sont les compétences de la personne qui critique?
Quel est son mode d’opération (ex: insulte, complimarde, etc.)
Quels sont les intentions de la personne ? (ex: La personne critique pour SE mettre en valeur ou pour VRAIMENT t’aider à grandir?)
Bref, je m'égare un peu du sujet. Je trouvais tout de même pertinent cet égarement, car cela m'a permis d'en prendre et d'en laisser lorsque j'étais en réflexion pour le statut juridique de mon entreprise.
Retournons à nos moutons.
En 2019, MAÏKANA a gagné OSEntreprendre au niveau local et régional. Avec ces prix, j'ai eu accès gratuitement à 1 heure de consultation avec un avocat qui m'a grandement aiguillé sur plusieurs décisions à prendre sur le plan juridique.
J'ai aussi eu l'immense opportunité de rencontrer des directrices-teurs et entrepreneur.e.s inspirant.e.s.
Pour n'en nommer quelques uns:
Jean-Charles Fortin (DG de la Fondation Sur la pointe des pieds)
Claudine Labelle (Fondatrice de FillActive)
Joanie Lacroix (Fondatrice de Pastel Fluo)
Émilie Richard et Pascale Vézina-Rioux (co-directrices de Les Chèvres de Montagne)
Virginie Gargano, Ph.D (Fondatrice de Dehors.co)
Marianne Lemay (Fondatrice chez Kolegz)
De par leurs expériences et leurs parcours, i.elle.s m'ont inspiré.e.s à prendre LA grande décision: Passer d'une entreprise enregistrée à un organisme à but non-lucratif.
J'ai été accompagné aussi par David, mon mentor de Futurpreneur Canada, le PECEM ainsi que le CDRQ.
Voici donc les 5 raisons qui m'ont poussé à prendre le virage
Privé | OBNL
Raison #1: Démocratiser l'intervention par la nature et l'aventure
L'intervention par la nature et l'aventure est en plein essor au Québec. Tout de même, l'accessibilité à ce type d'intervention est encore limitée pour plusieurs raisons:
Les coûts élevés des expéditions
Une offre limitée d'assurances qui couvrent les risques relatifs à ce type d'activité
La crédibilité de l'approche à bâtir auprès des professionnel.le.s de la santé, des services sociaux et de la population
Une professionnalisation et une offre de formation en INA de qualité à géométrie variable
Un écosystème entrepreneurial peu développé et qui travaille en silo
En devenant un OBNL, cela nous permettra d'aller chercher le financement et les partenariats nécessaires à la démocratisation et la professionnalisation de l'INA au Québec.
Raison #2: Être en cohérence avec notre vision, notre mission et nos valeurs
Notre mission chez MAÏKANA a toujours été de nature sociale: Optimiser la santé mentale et le potentiel humain par la nature et l'aventure.
Et nos valeurs sont en cohérence avec cette mission sociale.
En toute transparence, je vivais un certain malaise lorsque MAÏKANA était une entreprise individuelle privée.
Ce malaise s'expliquait par mon sentiment d'incohérence entre la mission et le statut privée de mon entreprise.
Lorsque je m'inspire de d'autres entrepreneurs sociaux, je constate que ce que j'admire le plus chez ces entrepreneurs est la cohérence de leurs actions et la force de leur "Why" (Voir le Ted Talk de Simon Sinek).
Pour ne nommer qu'un exemple, lorsque je suis sur le terrain en expédition avec mon groupe, je commence souvent en nommant ma posture d'humilité professionnelle et en nommant mes attentes par rapport à mon groupe:
L'intelligence collective de mon groupe est un ingrédient actif et vital dans nos expéditions thérapeutiques ou manégériales.
En constituant un conseil d'administration et en délégant une partie de mon pouvoir décisionnel, je brise enfin mon isolement professionnel (le fameux "Lonely at the top" qu'on retrouve souvent chez les entrepreneurs) et j'utilise le plein potentiel et l'intelligence collective de mon équipe et de mon CA.
Raison #3: Assurer la croissance et la pérennité de l'entreprise
Bien que le développement de la biotechnologie avance à grand pas et que le clonage humain pourrait devenir accessible dans un avenir rapproché, depuis 2022, sans mon équipe, je n'aurai probablement pas été en mesure d'accepter certains projets!
Parfois, je relis certains de mes posts sur les réseaux sociaux publiés entre 2019 et 2021 et je ris bien bien fort lorsque je lis: "NOUS avons fait...".
Honnêtement, jusqu'à la fin 2021, j'étais pas mal seule chez MAÏKANA!
Avec le développement des divisions régionales et pour répondre aux demandes croissantes, le constat m'est apparu assez évident: embauché des professionnel.le.s qui assureront le développement des activités et assurer la pérennité de l'entreprise.
Tout récemment, nous avons fait une planification stratégique avec les membres de l'équipe et du CA pour développement de MAÏKANA pour 2023 à 2026.
Je vous détaillerai sous peu le résumé de cette planification stratégique dans un texte de blogue qui sera publié dès l'automne 2023.
Raison #4: Faciliter un transfert des connaissances et consolider notre ancrage communautaire
Rappelons-nous d'une chose très importante dans l'histoire de la fondation de MAÏKANA:
Je suis devenue entrepreneure... malgré moi!
MAÏKANA était au départ un projet pilote. Ce qui veut dire qu'il y avait au départ un début de projet... et une fin!
MAÏKANA, c'est une date d'un été qui s'est transformée.... en longue histoire d'amour qui perdure depuis maintenant 4 ans!
Bien que MAÏKANA est un moteur important dans ma vie, en toute transparence et en toute intimité, j'ai d'autres rêves que je souhaite réaliser sur ma "bucket list":
Retourner à l'université et faire un doctorat
Faire une grande expédition dans le Grand Nord du Québec
Écrire un livre
Me marier avec mon conjoint actuel
Avoir des enfants
M'impliquer davantage en politique (municipale et/ou provinciale)
Vivre en cohérence avec la nature et viser l'autosuffisance "partielle" alimentaire
Fonder un espace entrepreneurial de création et d'hébergement en nature sur le terrain de ma nouvelle maison à Ste-Rose du Nord*
Développer une communauté de pratique en intervention par la nature et l'aventure
De passer d'entrepreneur à investisseur dans des projets à impact social
Bref, tous ces beaux projets demandent du temps et de l'espace. Deux éléments qui sont inexistants dans ma vie depuis les 4 dernières années. Avec l'embauche d'intervenant.e.s et de logisticiens d'expédition chevronnés, je vais tranquillement m'éloigner du terrain pour me consacrer à mon rôle de directrice générale et éventuellement, me libérer un peu plus de temps pour certains de mes projets.
D'ailleurs, depuis le virage juridique, nous sommes en train de développer une deuxième division de MAÏKANA au Saguenay Lac-St-Jean, en plus de consolider la division Montérégienne. L'ancrage dans les différentes communautés est devenue une approche privilégiée chez MAÏKANA - Intervention par l'aventure pour mieux répondre aux besoins de la population.
* Hé oui! Depuis juin 2023, je suis nouvellement propriétaire avec mon conjoint d'une magnifique maison à Ste-Rose du Nord (qui était anciennement un gîte touristique!) . Cela m'apporte de grandes réflexions sur l'autosuffisance alimentaire, la résilience communautaire, les enjeux territoriaux et le "slow entrepreneuriat". Je vous partagerai mes réflexions sur le blogue prochainement.
Raison #5: Diversifier les sources de revenus
Depuis 2019, je dois facilement avoir mis plus 50 000$ de ma poche dans le développement de MAÏKANA. De plus, j'ai mis à risque mon crédit personnel en 2020 en contractant un prêt et en ouvrant une marge de crédit professionnelle.
Honnêtement, j'ai eu à faire face à des défis financiers durant la COVID et la période Post-COVID qui ont affecté ma santé physique et mentale. Ces périodes m'ont grandement remis en question, au point de vouloir fermer l'entreprise à plusieurs reprises.
L'argent, c'est le nerf de la guerre en entrepreneuriat social. De plus, la santé mentale a toujours été (et l'est encore malheureusement...) le parent pauvre du système de la santé.
Heureusement, je suis de nature plutôt persévérante ( ou "tête de cochon" pour les intimes!) et j'ai un penchant pour les grands défis complexes.
Autre force motrice que j'ai: je sais maintenant bien m'entourer!
Une force essentielle en entrepreneuriat!
Avec l'aide de mon planificateur financier et de mon comptable, j'ai rapidement rembourser mon prêt et mes investissements ont porté fruit depuis les deux dernières années.
En devenant un OBNL (avec activité marchande), cela nous permettra d'avoir accès à d'autres sources de financement qu'habituellement, une entreprise privée ne peut pas bénéficier.
Cela permettra de m'enlever une charge importante sur les épaules et de créer des partenariats extraordinaires, comme par exemple avec Loisir Sport Montérégie et avec Strigo.
En conclusion, la réflexion sur le statut juridique de MAÏKANA s'est déroulée sur plus de 4 ans.
Je ne regrette aucunement d'avoir pris tout ce temps avant de faire le grand saut.
Le fait d'avoir été une entreprise privée m'a permis de valider le modèle d'affaire de MAÏKANA et d'assurer une certaine autonomie et indépendance.
Le choix du statut juridique d'une entreprise demande un bon travail d'analyse pour s'assurer que vous ayez en main toutes les informations nécessaires pour assumer les responsabilités sous-jacentes au choix de ce statut.
Ressources complémentaires pour vos réflexions sur le statut juridique de votre entreprise (disponibles au Québec seulement):
La boussole entrepreneuriale: https://boussoleentrepreneuriale.com/
Incubateurs et accélérateurs d'entreprise du Québec: https://www.infoentrepreneurs.org/fr/repertoire---accelerateurs-et-incubateurs/
CDRQ: https://cdrq.coop/
Pôles d'économie sociale du Québec: https://chantier.qc.ca/decouvrez-leconomie-sociale/poles-deconomie-sociale/
Centres d'aide aux entreprises du Québec: https://www.sadc-cae.ca/fr/
OSEntreprendre Québec: https://www.osentreprendre.quebec/a-propos/nouvelles-et-actualites/2020/retour-sur-le-printemps-2020-a-chaque-probleme-sa-solution/
Quelques mots sur l'autrice du texte:
Laura Ducharme t.s | Fondatrice & directrice générale de MAÏKANA
Laura Ducharme est fondatrice et directrice générale de MAÏKANA – Intervention par l’aventure, un organisme qui offre des services de formation et d’intervention en santé mentale par la nature et l’aventure. Travailleuse sociale membre en règle de l’OTSTCFQ et chargée de cours en intervention par l’aventure et le plein air, Laura travaille en collaboration avec les entreprises, les organisations et les institutions de santé et de services sociaux afin de contribuer à la professionnalisation de l’intervention par la nature et l’aventure et à développer des solutions innovantes en intervention en santé mentale au Québec.
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